Catamaran
Vanuatu : comment survivre à une tempête en voilier ?
Comment mon frère et moi (24 minutes de navigation à nous deux) avons vaincu les éléments sur un Hobbycat de fortune au large de Port Vila, au Vanuatu.
Nous partîmes tous deux, mais par un prompt renfort, Nous nous vîmes au moins quatre en arrivant au port… Nous partîmes donc, fiers matelots, navigateurs aguerris, à la conquête de l’océan terrible et sans pardon. Forts de notre expérience de marins (au moins une demi-heure de navigation à nous deux !), nous étions prêts à affronter les flots déchaînés à bord de notre impressionnante embarcation : un fameux 1 mât d’au moins 5 pieds de long !! D’emblée, l’entente était parfaite : je barrais sereinement tandis que mon frère choquait la voile afin de prendre au mieux un vent de terre puissant qui nous permettait de filer à vive allure. Nous utilisions les termes marins avec une aisance étonnante : "Souquez les artibuses !", "Attention ! La voile fassouille !", "On n’a qu’à louvoyer…" ou encore "Le flotteur avant bâbord enfourne !". Il ne faut jamais négliger l'importance d'une sémantique juste et précise en situation aventureuse. L’entente étant parfaite, nous décidâmes bientôt de ne point nous en tenir à un bref tour de l’île dans la baie de Port Vila… Nous étions d’humeur aventureuse et conquérante, nous sentions la bienveillance de Poséidon : nous partîmes explorer les côtes au Nord, bien plus au Nord. Nous doublions cap sur cap avec autant d’aisance et d’empressement qu’en aurait mis Lord Jim à déserter son navire. Mais à force de doubler des caps, bientôt de caps, il n’y eut plus. Le grand large s’offrait à nous, dans toute la fureur de sa liberté : les vagues de 3 mètres, les bourrasques typhonesques nous lançaient un ultime défi… que nous relevâmes bravement et glorieusement. Notre navire, ballotté comme une coquille de noix dans une tempête de bénitier, montait et descendait avec aisance au cœur des flots déchaînés. Filant à la vitesse de l’éclair, nous éprouvions l’ivresse de la grande navigation, le visage fouetté par les embruns, la chemise trempée par les paquets d’eau salée qui s’écrasaient sur le pont, les yeux brûlés par l’iode et le soleil de midi. "Bring me that horizon !", grisés, exaltés, émus par la vitesse et notre invraisemblable maîtrise du grand bleu, nous filions droit devant, fendant les vagues, tenant le cap malgré la houle, serrant la voile afin d’être toujours au bord de la rupture, au maximum des possibilités de notre radeau de la méduse. Mais les plus grandes aventures, les plus grandes exaltations ont une fin, et il fut bientôt temps de faire demi-tour ou plutôt de "changer le bord" comme on dit dans la marine. Alors que nous profitions de "l'effet surf" sur les vagues désormais salutaires, nous nous rapprochâmes tranquillement de la côte pour nous en retourner heureux et couverts de la gloire de ceux qui sont allés jusqu’en enfer et en sont revenus. Nous étions partis depuis bientôt deux heures et filions à toute allure vers le port quand, ô stupeur, la "drisse en fils de fer tressé de maintient" péta ! Pour le coup, la voile fassouillait franchement… Croyez-vous que cela nous découragea, alors que nous étions encore à 1h30 de notre point d’arrivée ? Que nenni ! Redoublant d’ardeur, nous "rechoquâmes" la voilure et continuâmes notre périple sans faiblir l’allure. Nous arrivions en vue des bouées rouges et vertes annonçant l’entrée au port : plus qu’une heure de navigation et nous étions saufs. C’est alors qu’une barque à moteur nous coupa la route, profitant d’un virage de bord délicat pour nous aborder. C’était notre père et Jimmy venus à notre rescousse, inquiets de nous savoir partis depuis plus de deux heures et moyennement confiants dans notre capacité à naviguer par vent de force 7. Ils nous obligèrent, malgré nos protestations à nous arrimer à eux afin d’être tractés jusqu’à la rive. Et c’est ainsi que nous rentrâmes au port, debout sur le pont, la poitrine gonflée d'orgueil à la proue de notre navire vaincu par les éléments, la voile en berne et le cœur satisfait d’avoir ainsi triomphé de l’océan tout-puissant. A vaincre le péril, on triomphe plein de gloire !