Jeremie NOËL

Photos et récits de voyages

Coupe du Monde

Comment survivre à une semaine à Rio de Janeiro pendant la coupe du monde ?

Le récit d'un voyage d'une semaine à Rio de Janeiro pendant la Coupe du Monde 2014 au Brésil : tourisme, caïpirinhas et matchs de foot.

Aller à Rio pendant la Coupe du Monde, ça c’était une idée bien stupide comme on les aime. Du monde partout, un billet d’avion à un prix défiant toute concurrence (1 mois et demi de salaire, peu ou prou), des abrutis de supporters de tous les pays qui traînent partout... je n’ai pas pu résister. « Salut les gars, je vais à Rio ! » Comme me l’avait justement fait remarquer ce pote qui a fini de me convaincre, ça fait 30 ans qu’on regarde du foot tout le temps, qu’on se paluche les matchs les plus aberrants à la télé, alors la Coupe du Monde au Brésil, l’équipe de France au Maracanã (contre l’Equateur, certes), on peut quand même pas passer à côté de ça. Et puis imagine la tête de tes collègues, le jeudi à 17h quand tu diras “salut les gars, je vais à Rio !“. Ca, c’est l’argument massue. La tête des collègues. C’est clair. Je ne peux pas rater ça. Tant pis pour l’argent, ma fille mangera du topinambour jusqu’en novembre. De toute façon, elle s’en fout, tant que c’est comestible elle ne voit pas la différence. Vue sur Rio de Janeiro de nuit, depuis le Pain de Sucre Caïpirinhas, favelas pacifiées et amicale des anciens nazis Donc nous voilà à Rio de Janeiro, à repérer où se situe le consulat allemand pour aller faire la fameuse blague de l’amicale des anciens nazis (si vous n’avez pas vu OSS117 : Rio ne répond plus, cliquez ici). Et force est d’admettre que j’aurais eu tort de ne pas y aller. On loge dans un appart situé entre Ipanema et Copacabana que nous a loué un dénommé Rodrigo à un prix suspicieusement bas, les caïpis sont bonnes (mais attention, la caïpi, ça tape) et les favelas sont pacifiées. C’est l’hiver, il fait beau, 25° et l’océan est tiède. Tout va bien. Petit aparté, je ne sais pas vous mais l’expression “pacifier une favela“ m’évoque toujours Schwarzie à la tête d’une division blindée venant exploser des petites frappes dans leur bidonville… mais ça ne se passe sans doute pas comme ça, hein ? Ipanema au petit matin, à Rio de Janeiro. Bref, on ne peut pas tellement rêver mieux. Le matin, on se lève pour explorer la ville et à partir de 13h, on va se caler dans un des kiosques qui jalonnent le bord de la plage à Copacabana pour regarder les matchs sur des télés minables (et, oui, on attaque la bière et la caïpi). Rio en touristes : Pain de sucre, Copacabana, Tijuca et Carretão Si la première impression architecturale est décevante (la grande majorité des immeubles sont vétustes et moches), on est quand même vite séduit par l’environnement global de la ville : la beauté de la baie de Rio et des plages, l’atmosphère festive et relax et même finalement le charme un peu déglingue de l’urbanisme. On se fait tous les passages obligés : coucher de soleil au sommet du Pain de Sucre en compagnie de supporters russes et d’une caïpi qui tape sévère, randonnée de la mort à Pedra da Gavea (seulement 1,6 km pour y monter mais 800 mètres de dénivelé) dans la forêt de Tijuca, balade champêtre dans le Jardim Botanico, match du Brésil dans un bar de Botafogo, orgie de picanha chez Carretão (l’institution de la churrascaria) et baignades régulières dans les vagues de Copacabana et Ipanema. Un immeuble désaffecté au milieu de la forêt de Tijuca, au pied de Pedra da Gavea. Le foot à Rio : une religion à la ferveur chancelante Mais bon, on est quand même venus pour le foot. Et d’une manière générale, il faut admettre que la ferveur de la population brésilienne est un tantinet décevante. Bien sûr, elle reste très supérieure à ce qu’on peut voir en France : un tiers des Cariocas se promènent avec un maillot de l’équipe nationale (rarement officiel), les bars sont pleins à craquer pour les matchs du Brésil et tout le monde vous parle de foot tout le temps. Mais on n’entend pas de feux d’artifice quand le Brésil marque un but et les Brésiliens sont tous un peu défaitistes. D’après un pote qui était déjà à Rio lors de la Coupe du Monde 2006 (où le Brésil avait perdu en 1/4 de finale), c’était complètement inenvisageable à l’époque. De là à dire qu’ils pressentaient la rouste intersidérale qu’ils allaient prendre un peu plus tard contre l’Allemagne… On profite de la présence d’un autre pote qui dirige une entreprise à Rio depuis 2 ans pour se tenir au courant de 2-3 curiosités administratives qui montrent que Brésil et foot restent un couple indissociable. Il faut savoir par exemple que les jours de match du Brésil, toutes les entreprises du pays sont tenues de libérer leurs salariés 2 heures avant le coup d’envoi pour leur laisser le temps d’être à l’heure devant leur télé malgré les invraisemblables bouchons. Deux jours avant, ce même pote a appris que, sur décision inopinée du préfet, le jour du match France – Equateur (qui a lieu au Maracanã, à Rio) serait férié dans l’Etat de Rio. Comme ça, parce que ça fait plaisir. C’est une sorte d’Assomption décrétée au pied levé. D’un coup, on comprend mieux l’affirmation : « Au Brésil, le foot est une religion ! » Jour de match au Maracanã : France - Equateur Le jour du match, nous passons la matinée à la plage sur Ipanema. Jour férié oblige (je ne m’en remets pas), elle est bondée. C’est pour nous l’occasion de nous ridiculiser : nous n’alignons jamais plus de trois jongles de suite à côté de mecs qui peuvent jouer une heure sans jamais faire tomber le ballon. Dépités, nous nous rabattons sur l’observation de la faune locale qui nous permet de constater que la passion des Brésiliennes pour les strings n’est pas un mythe. Baignade à la plage d'Ipanema, bondée les jours de matchs au Maracanã, fériés. Puis il est bien vite temps de se mettre en route pour le stade, 4 heures avant le coup d’envoi pour éviter toute mauvaise surprise. On s’est tapé 9 000 bornes pour ce match, ce serait quand même con de rater la Marseillaise… Dans le métro, l’ambiance entre supporters équatoriens et français est gentiment chambreuse. Deux Equatoriennes au physique légèrement supérieur à la moyenne se font même harceler par tous les supporters français de la rame pour faire des photos. « Avec un bisou señorita por favor ! » tentent les plus lourds sous les regards de moins en moins compréhensifs des deux mecs qui accompagnent les señoritas en question. L’excitation est palpable quand nous arrivons aux abords du stade. On sent que les gens sont vraiment heureux d’être là et de rentrer enfin dans ce stade mythique. On croise même quelques vieilles stars sur le retour (« Tiens qui est le blaireau qui s’est fait un maillot avec écrit Diomède derrière ? Ah bah, c’est Bernard Diomède tiens ! »). Le match est nul (un bon vieux 0-0 tactique) et l’ambiance manque un peu de mauvais esprit mais ça n’a pas d’importance, les hymnes sont braillés à pleins poumons et on pourra dire « j’y étais ». Il faudra quand même prendre le temps un jour d’expliquer les règles aux Equatoriens qui essayaient de gagner du temps en deuxième mi-temps alors qu’il leur fallait marquer deux buts pour se qualifier. Un peu couillon… Vue nocturne du stade mythique du Maracanã à la mi-temps de France - Equateur, pendant la Coupe du Monde 2014 Le soir, on va fêter la qualification au Rio Scenarium, club de samba du quartier de Lapa où on retrouve une bonne brochette de supporters de tous bords qui se déhanchent sans grâce, et à des stades variés d’alcoolisation, sur des airs fredonnés par une superbe chanteuse à moustache. On est bien au Brésil. On reviendra. Photos Rio de Janeiro


Jeremie Noel | Photographies et impressions de voyage
©2013-2014