Comment survivre à la visite de Clearwater, au coeur du Canada profond ?
Porte vaguement civilisée pour accéder au Wells Gray Provincial Park, Clearwater a le charme discutable des bleds absurdes de l'Amérique profonde... au Canada !
Même pour le voyageur le plus aguerri, la définition de l’itinéraire idéal reste un exercice périlleux. Le commentaire un brin emphatique du Lonely Planet, l’enthousiasme démesuré d’un collègue néophyte ou la pure malveillance d’un autre touriste piégé ont tôt fait de vous égarer dans des endroits sans le moindre intérêt.
Souvent, on se fait berner par des noms qui évoquent l’exotisme, l’aventure, le mystère, le voyage. Imaginez ma déception en découvrant que le seul intérêt de la sensuelle Vera Cruz est son médiocre aquarium ou que le désert du Kalahari est en fait une sorte de champ de blé vaguement vallonné.
Clearwater ou l’Amérique profonde
Parfois l’erreur est plus inexplicable. Et c’est ainsi que j’ai découvert la fabuleuse bourgade de Clearwater, ville étape de la Colombie Britannique dont le nom, aussi bien que la réalité, évoque ces incroyables bleds de l’Amérique (ou du Canada en l’occurence) profonde peuplés de bouseux magnifiques à la Twin Peaks. Après 10 jours dans la majestueuse région des Rocheuses canadiennes, le choc est un peu sévère.
Mon premier contact avec Clearwater est avec un centre de conférence pas tout à fait international puis avec l’inévitable excursion au centre d’information, sorte de caverne d’Ali Baba où le touriste plein d’espoir vient glaner l’assurance que son séjour dans la région sera exceptionnel. J’y arrive à l’heure de pointe. Nous sommes en effet trois touristes, au bas mot, à guetter les hôtesses débordées par ce flot inattendu de visiteurs.
Mon choix se porte naturellement sur la délicieuse Ronny. De Ronny, on peut dire que si la qualifier d’énorme tient sans doute de l’exagération, la considérer comme stupide relève incontestablement du délicat euphémisme. Au moment où c’est à moi, son téléphone sonne. C’est sa coloc – que l’on imagine au moins aussi gironde – qui s’inquiète du nombre de nuggets que Ronny veut pour son dîner. Après l’avoir éconduite sur un ton affairé, Ronny lève sur moi un regard interrogateur.
A Clearwater, le soleil se couche à… l’Ouest ?
Je commence à tester son incompétence par quelques questions standards sur les balades de la région de Clearwater. Rassuré par le ton monocorde sur lequel elle débite des informations toutes plus inutiles les unes que les autres, je me décide à poser la question piège que je préparais depuis un moment : ”Tell me Ronny, what would be a good spot to watch sunset?” A mesure que je pose ma question, je vois passer dans son regard l’incompréhension d’abord, puis la stupeur et enfin une authentique terreur. Le coucher de soleil… c’est bien la première fois qu’on la lui fait celle-là.
Reprenant doucement ses esprits, je la vois gagner du temps. “Le soleil se couche à l’Est ou à l’Ouest ? A… l’Ouest ?”, hasarde-t-elle en quêtant mon approbation du regard. Un moment tenté de pousser le sadisme un peu plus loin, je finis par opiner. Elle commence par bredouiller quelques indications puis, sans doute effarée par l’ampleur de la tâche, finit par renoncer.
Je sens qu’on va bien rigoler à Clearwater.
Dans l’antre de l’ogresse
La suite de ma découverte m’emmène dans la guest house qui me servira de camp de base pour les deux prochains jours. Dans ma chambre, la décoration évoque à nouveau le bon goût légendaire de l’Amérique profonde. S’y cotoient en effet pêle-mêle des tableaux infâmes représentant Lancelot du Lac en extase devant Guenièvre, la Cène ou une villa méditerranéenne, des pendules ornées de roses en céramique, une photo de la fille de la maison dans un cadre fleuri et des assiettes accrochées au mur. La totalité de la bâtisse est par ailleurs tapissée d’une moquette turquoise qui recouvre jusqu’à la lunette des toilettes. Le kitsch est un art.
L’ogresse qui tient la maison d’hôte semble vivre dans la cave. Elle m’indique une sonnette pour la prévenir quand j’ai besoin de quelque chose. Chaque fois que je l’actionne, elle émerge de son sous-sol pour m’entretenir de son étonnante conversation. Nous parlons d’abord de Paris, où elle est allée quelques jours il y a 30 ans, et qui est sa ville préférée. A ce propos, elle me demande des nouvelles de la polémique concernant la construction de la Pyramide du Louvre… hum, c’est pas nouveau nouveau cette histoire. Plus tard, elle évoque sa haine farouche de la violence, surtout à la télévision, alors que je vois derrière elle les grands films pacifistes Inglourious Basterds, Blood Diamond et Funny Games parmi ses DVD. Ceci mis à part, elle est simplement adorable.
Spahat et Helmcken falls : le clou du spectacle
Une fois installé, il est enfin temps d’aller découvrir le Wells Gray Provincial Park, la raison initiale de cette étape à Clearwater. J’y fais quelques jolies randonnées mais le clou du spectacle est sans aucun doute les deux grandes et belles cascades Helmcken Falls et Spahat Falls. La nature y est très belle mais après les paysages splendides de Banff et Jasper, difficile de ne pas rester un peu sur sa faim.
Clearwater : course de pick-up, atelier saucisse et bible camp
En rentrant à Clearwater, je découvre quelques nouvelles pépites. Ici des fermiers empaillés décorent le portail d’une maison, là un motel miteux vante son buffet chinois “all you can eat” à peine concurrencé par le “steak & prawns” du vendredi proposé par l’auberge voisine.
A 17h, le mall tout proche est désert. La seule voiture de l’immense parking est arrêtée devant un liquor store. En découvrant sur la devanture du supermarché les prochains grands évènements qui vont agiter Clearwater, j’envisage la place considérable qu’il doit avoir dans la communauté : course de pick-up dans la boue, atelier saucisse chez Vicki, voyance chez Erica ou pédicure chez Marg. Un shot d’alcool à brûler s’il-vous-plait. Vite.
Une dernière interrogation sur le genre de forfait qu’ont dû commettre les pauvres enfants pensionnaires du Bible Camp de Clearwater et je poursuis ma route vers la splendide île de Vancouver. Finalement, on se sera bien amusé à Clearwater… ne manquez pas d’y passer.
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