Jeremie NOËL

Photos et récits de voyages

Récits de voyage

Ambiance générale ou anecdote précise, je partage ici le récit de mes impressions de voyage.

Petra la sublime

Bâtie par les mystérieux Nabatéens, Petra n'usurpe pas sa place parmi les 7 merveilles du monde.

De Petra, on ne savait quasiment rien il y a encore 15 ans. Les mystérieux Nabatéens, qui l’avaient bâtie pour rendre hommage à leurs dieux et leurs morts, restaient une civilisation très méconnue. Aujourd’hui, on en sait plus. Cela témoigne de l’avancée de nos connaissances – et c’est très bien – mais c’est également un signe un peu triste que le mystère, l’inconnu, est en train de quitter définitivement la Terre. Il semble n’y avoir presque plus rien à y découvrir ; Google Maps et le tourisme de masse ont transformé le monde en un grand village que parcourent sans surprise des millions de gens chaque année. Petra est l'une des 7 merveilles du monde Il en va ainsi de Petra. Mais la ville reste malgré tout de ces endroits à couper le souffle. Elue parmi les 7 nouvelles merveilles du monde (avec le Taj Mahal, la Grande Muraille de Chine, le Corcovado, Chichen Itza, le Macchu Picchu et le Colisée), elle partage avec ses consœurs une capacité certaine à ne pas décevoir les espoirs placés dans sa découverte. La population que l’on y croise, même en basse saison, a pourtant de quoi décourager. Toutefois, ni les couples russes – face rougeaude, sac banane arrimé à la bedaine et canette de bière en pogne – ni les des groupes d’Italiens – brailleurs et impolis – ni même les touristes locaux qui se promènent avec des iPhones crachottant à plein volume une musique intolérable ne parviennent à briser la magie du lieu. Petra semble avoir été conçue pour impressionner le visiteur : l’attente un peu fébrile quand on arpente le Siq (le défilé qu’emprunte Indiana Jones justement) avant de découvrir le Trésor (le Khazneh, la façade la plus célèbre et la plus photographiée), l’éblouissement quand on traverse la vallée bordée de mausolées troglodytiques somptueux et enfin l’apothéose quand on arrive au Monastère (le Deir) au bout d’une longue ascension tout au fond du site. Petra, cité multicolore Petra est surnommée la ville rose mais elle est aussi multicolore et certaines de ses façades sont colorées par les minéraux qui peuplent les collines dans lesquelles elles ont été taillées : rouge fer, vert cuivre, noir manganèse, jaune souffre… Bien sûr, on invective les autres touristes, qui ont eu le mauvais goût et l’impudence de se mettre devant ce qu’on veut prendre en photo. Ce d’autant qu’il s’agit des infâmes hordes débarquées à Aqaba d’un paquebot Costa. Voir la trentaine de groupes de cinquante pedros se déverser dans le Siq, suivant chacun le panneau indiquant le numéro du car qu’ils reprendront pour retourner à bord de leur HLM flottant est un spectacle véritablement terrifiant. Rien n’est plus amusant, toutefois, que de pester contre ces abrutis qui lambinent interminablement devant l’entrée de tel ou tel mausolée à l’intérieur duquel il n’y a strictement rien à voir. La satisfaction de réussir des photos qui laissent penser que le lieu est désert en est décuplée. Quand on arpente le site en sens inverse au retour, le soleil déclinant teinte les montagnes et les façades d’un ocre-rouge flamboyant et la cité mortuaire prend vie. On s’assied sur une esplanade surélevée et on observe, serein, la vallée s’éteindre tout doucement.   Photos Jordanie Itinéraire Jordanie


Oman : entre tradition et modernité

Entre tradition et modernité, Oman est surtout un pays magnifique qui offre des paysages très variés : désert, sources cristallines, mer, montagne, etc.

Oman est, avec Brunei, l’un des deux seuls Sultanat du monde. C’est aussi le moins connu puisqu’il n’a pas, lui, la chance d’avoir la capitale au nom le plus long du monde. Non, la capitale s’appelle Muscat (ou Mascate) et sera la première étape de notre voyage. Nous y atterrissons après une brève escale au Qatar qui nous donne l’occasion de tester l’aéroport de Doha, gigantesque complexe un peu absurde où un code couleur sur sa carte d’embarquement permet de s’orienter vers le terminal adéquat. Quasiment aucun passager ne reste là (et pour cause, le Qatar n’a à peu près aucun intérêt en soi), la plupart attendant des connexions pour l’Asie. Nous sommes les seuls européens à poursuivre jusqu’à Oman. Muscat est assez représentatif de la dualité culturelle du pays tout entier. Oman est un pays en plein boom économique (notamment grâce au pétrole trouvé récemment sur le territoire), tendu vers la modernité mais qui garde un attachement très fort à ses traditions architecturales, religieuses et sociales (mais pas gastronomiques, c’est le moins que l’on puisse dire). Il y a donc d’un côté la ville nouvelle où l’on retrouve les ministères et la plupart des sièges d’entreprises et de l’autre le vieux Muscat avec un Palais d’apparat, de vieux forts portugais, le souk et quelques vieilles maisons traditionnelles. On s’y promène au bord de l’eau en transpirant à grosses gouttes car l’air très chaud est rendu carrément suffocant par la proximité de la mer. Alors nous partons vite découvrir le reste du pays. Et en une semaine de voyage, nous allons nous offrir un panorama complet des trésors que le Sultanat d’Oman a à offrir. De plages désertes en canyons où glissent des rivières d’une couleur insensée (les wadis), des dunes du désert de Wahiba aux montagnes du Jebel Akhdar, des forts de Nizwa à ceux de Muscat. Désert de Wahiba Sands - Oman En peu de temps et en parcourant des distances courtes (2-3h heures de route entre chaque étape), on traverse des paysages incroyablement variés et tous plus spectaculaires les uns que les autres. On imagine Oman comme un lieu désertique mais on y voit souvent des oasis de dattiers ou des sources couleur d’émeraude. C’est aussi un lieu de villégiature incontournable pour les tortues de mer qui sont des milliers à venir pondre sur ses plages à longueur d’année. On a beau aimer voyager en routards, on se laisse cette fois aller au plaisir simple du voyage bourgeois. Nous étant adjoints les services d’un guide, le voyage a donc été rythmé par les petits agacements et les franches rigolades provoqués par ce dernier. Pas plus capable de nous donner la moindre information culturelle sur Oman que de penser à prendre du feu pour allumer un barbecue dans le désert, Daoud (c’est son nom) était également spécialiste de l’ensablement et répondait invariablement « Why not » à toute les questions qu’on pouvait lui poser. Les trésors naturels et culturels d’Oman (et les pitreries du guide) ne font malheureusement pas toujours oublier qu’il s’agit de l’un des pays les plus musulmans du monde où la religion tient lieu de code moral, social et juridique. De tous les pays du Golfe, Oman est probablement le plus libéral mais la condition des femmes y est malgré tout assez précaire. Bien que disposant de certains droits (conduire, travailler, se présenter aux élections), elles restent très souvent cantonnées aux tâches domestiques, sont voilées (parfois sans même une fente pour les yeux), ne peuvent adresser la parole aux hommes en public et sont considérées comme des parias si jamais elles venaient à divorcer (alors que les hommes peuvent, eux, divorcer à loisir, surtout si leur femme a l’impudence de ne pas leur donner d’enfant). Au-delà de la condition de la femme, il sourd de tout cela une atmosphère un peu malsaine, presque mortifère ; celle d’une civilisation sans humour, sans autodérision, que ses interdits anachroniques font sombrer dans un mélange de frustration et d’hypocrisie. C’est d’autant plus marquant dans une société qui a par ailleurs tous les atours de la modernité. Enfin, le despotisme éclairé en vigueur à Oman en viendrait presque à faire douter de la démocratie. Le Sultan actuel, Qaboos, règne depuis plus de trente ans et semble absolument adoré par ses sujets. D’un pays ravagé par la guerre civile, sans existence diplomatique, sans routes, ni hôpitaux, ni universités, Oman est devenu, sous le règne du Sultan, un pays moderne, riche et reconnu par l’ONU. Au moment du Printemps Arabe, plutôt que de s’arcbouter sur ses pouvoirs, il a immédiatement offert au peuple ce qu’il demandait, à savoir un minimum de représentation démocratique dans le gouvernement. Allez en faire autant s’il fallait s’encombrer d’élections tous les 5 ans… Piscine du Al-Bustan Palace - Muscat (Oman) Le Sultan Qaboos est aussi l’un des hommes les plus riches et les plus secrets du monde. Il a d’étranges lubies, comme celle de s’être fait construire un yacht dont l’intérieur serait entièrement plaqué or. Personne ne sait s’il a des enfants mais les Omanais semblent penser qu’il a préféré s’en abstenir pour être le dernier Sultan de sa dynastie… ce qui laisse présager une succession compliquée. Oman est donc un pays surprenant, magnifique et parfois agaçant mais qui amène à remettre en question ses certitudes. Un pays qu’il faut visiter tant qu’il est encore relativement épargné par le tourisme de masse. Photos Oman Itinéraire Oman


USA : Road-trip dans l’Ouest américain

De Chicago à Los Angeles en passant pas les Parcs Nationaux de l'Ouest (Grand Canyon, Bryce Canyon, Monument Valley, Arches, Canyonlands, etc.), une plongée toujours amusante dans l'American Way of Life.

Partis rendre visite à des amis fraîchement installés à Chicago, nous en avons profité pour aller à la rencontre du grand Ouest, en mode un peu express mais suffisant pour en prendre plein la vue et se régaler de l’inénarrable American Way of Life. On visite rapidement Chicago, ville qui présente le double avantage de disposer d’un patrimoine architectural magnifique et de permettre de l’explorer en bateau, au fil de la Chicago River. On évite ainsi les interminables promenades pour profiter de tout cela confortablement installé sur le pont supérieur d’un joli ferry au son de commentaires essentiels : "Dans cet immeuble, tous les appartements sont équipés de baignoires, il y a un parking à trois niveaux et un fitness…" Palpitant, certes mais surtout représentatif de l’importance du confort matériel pour les américains. Une idée du confort que l’on peut encore mieux appréhender en visitant les quelques maisons entre lesquelles nos amis hésitent pour s’installer. On constate ainsi que la notion de charme semble complètement absente ou, en tout cas, terriblement secondaire aux notions d’espace et de praticité. Une maison démesurée, un garage, un bout de jardin et un mall le plus grand possible à portée de voiture : une définition du luxe à l’américaine. Skyline de Chicago et le Lac Michigan vus depuis le sommet de la Hancock Tower Aux Etats-Unis, on ne peut rien faire sans voiture et on n’aurait de toute façon pas idée de s’en priver. Quand je découvre, hilare, que les américains sont tellement fainéants qu’ils ont installé des drive-in même pour les distributeurs de billets, je ne peux m’empêcher de penser aux gros humains de "Wall-E", sanglés dans leurs chaises volantes d’où ils ont accès à tout. Après deux semaines de pratique, j’ai même imaginé un adage : « si vous avez l’impression que vous allez devoir marcher plus de 20 mètres pour atteindre votre destination, poursuivez votre route, il y a forcément un parking plus près ». De fait, la possession d’une voiture aux USA détermine l’existence sociale : elle permet d’effectuer les longs "commute" pour aller travailler, d’aller dîner chez des amis ou de faire les courses. Sans en bouger, on peut voir un film, commander son McDo, tirer de l’argent et c’est même souvent là que l’on a vécu ses premières expériences sexuelles. La voiture, c’est justement ce qui nous attend après avoir quitté nos amis à regret et avoir rallié Phoenix en avion. Au programme, 3500 kilomètres de route en onze jours. On n’est pas des rigolos. L’excellent chroniqueur Bill Bryson disait : "Sur une route aussi droite et aussi large qu’une autoroute américaine, 90 km/h est une limitation de vitesse ridicule. On a l’impression de marcher." Du coup, on est vite tenté d’accélérer, auréolé de cet absurde sentiment d’impunité que la condition de touriste de base vous fait toujours ressentir au volant d’une voiture de location dans une contrée étrangère. Comme si faire croire que vous parlez mal anglais allait excuser le fait que vous ne sachiez pas lire des panneaux routiers déchiffrables par quiconque ayant le niveau intellectuel d’un enfant de 6 ans. Alors, on se fait inévitablement arrêter par un bon shériff à la trogne burinée dans un 4x4 dont les gyrophares consomment en 20 minutes la quantité d’électricité dont dispose le Bangladesh pour une année. Il s’approche de la voiture et vous lance l’absolument universel "Do you know why I’m arresting you?". A Paris, on répond toujours un "Oui, je suis désolé" résigné ; mais ici, on a encore l’espoir de s’en sortir avec un simple "Warning" et une bonne histoire pour les copains, alors on tente un "I really don’t, Officer" (et merde, j’avais dit que j’essayais de faire croire que je parle mal anglais). Après une demi-heure d’attente, on repart avec une bonne histoire, certes, mais aussi $105 d’amende… Les routes sont certes longues, les distances immenses mais rarement monotones parce qu’on traverse les paysages incroyables, à la fois magnifiques et démesurés, de l’Arizona et de l’Utah. En quelques jours, nous visitons tous les plus grands parcs de cette partie de l’Ouest. Le jour de notre arrivée, une tempête de neige s’est abattue sur la région. Toutes les routes pour accéder au Grand Canyon sont bloquées par la neige et les carambolages. Impossible d’y accéder. Juste au moment où nous allions nous résigner à dormir dans le bled inutile de Sedona, l’autoroute rouvre miraculeusement et nous roulons jusqu’au Grand Canyon dans une tempête de neige apocalyptique. C’est un peu pénible sur le moment mais la neige qui persiste dans la plupart des parcs apporte un contraste de couleurs magnifique. Neige sur le Grand Canyon, en Arizona Nous enchaînerons ensuite avec Antelope, Monument Valley, Arches et Canyonlands, Capitol Reef, Bryce Canyon et Zion. Passant de l’un à l’autre, on s’imagine tantôt dans un film d’Indiana Jones ou dans un western de John Ford, tantôt revenus à des temps préhistoriques. Les paysages de l’Ouest sont si connus qu’ils évoquent toujours quelque chose. Mis en scène dans tant de livres et de films, ils font partie de la culture occidentale ; et ce parce que leur immensité et leur beauté mêmes sont une source d’inspiration inégalable pour les artistes. Quand on s’y promène, on a le sentiment que la Terre nous révèle ses entrailles, qu’elle nous laisse entrevoir ce que le temps a construit. Face au défi à la pesanteur que représentent les arches de pierre d’Arches National Park ou à la finesse sublime des aiguilles de pierre (les "needles") de Bryce Canyon, on se trouve, littéralement, sans voix. Du coup, le retour à la civilisation est un peu brusque. Surtout quand cette civilisation est Las Vegas, le paradis du carton-pâte faussement luxueux pour beauf qui se fantasme flambeur. Les premiers instants d’adaptation sont un peu difficiles mais ça revient vite et une fois installés dans l’un des innombrables palaces (où l’on peut en fait se loger pour pas très cher), on part à l’assaut du mythique Strip, ses halls d’hôtels labyrinthiques, ses reproductions de monuments au mauvais goût assumé et surtout sa faune invraisemblable. Short, chemisette hawaïenne ignoble, et un goût certain pour l’embonpoint semblent de rigueur. A les voir, on se dit qu’ils ont dû économiser toute l’année pour venir se donner l’illusion d’être riches en buvant des mètres de margaritas qu’ils s’attachent autour du cou dans la rue et en claquant leur salaire annuel dans des machines à sous sans même que ça ait l’air de les rendre heureux (ou même satisfaits). A Vegas, tout est conçu pour vous faire cracher du pognon. On éclate d’un rire un peu consterné quand le portier de l’hôtel nous fait visiter la chambre et nous explique qu’il y a des détecteurs de mouvement dans le mini-bar. Si on prend une canette sans la reposer exactement dans son emplacement dans les 60 secondes qui suivent, le prix de la boisson est automatiquement facturé sur votre chambre… On croit rêver. Cette ville, dans son ensemble, est ridicule mais reconnaissons que le temps d’une journée, on s’y amuse bien ! Hot babes à Las Vegas, Nevada Finalement, on roule jusqu’à Los Angeles pour passer une nuit et une matinée à Santa Monica. Sur la plage, le matin, nous croisons un père occupé à entrainer ses deux enfants à quelque agrès amusant. Nous discutons brièvement puis, au moment de nous quitter, il nous lance : "I’ll never see you again but God bless you, God bless you !" Ils sont vraiment impayables ces Américains. On reviendra. Photos USA Itinéraire USA


Irlande du Nord : week-end à la Chaussée des Géants

Un week-end à la Chaussée des Géants, entre formations géologiques et paysages exceptionnels de l'Irlande du Nord...

« Chérie, on va passer le week-end à Belfast ! »… on a vu plus glamour. On pense plutôt aux guerres de religion, à l’IRA, à un endroit gris et sinistre. Je ne pourrais pas dire car bien qu’y ayant atterri, je n’y ai pas mis les pieds. Ce qu’on ne sait pas trop, c’est qu’à plus ou moins une heure de route, au Nord, dans le Comté d’Antrim, près de la petite ville de Bushmills, on peut trouver l’Irlande telle qu’on la fantasme. Terre de géants et de légendes celtes, on découvre la côte sauvage de la mer d’Irlande battue par les vents et les flots. L’herbe est rouge et le vent lui a donné une forme étonnante, la roche est sombre et sculptée par l’érosion mais le clou du spectacle est bien la Chaussée des Géants, cet invraisemblable site géologique, fait d’un agrégat de tubes basaltiques hexagonaux dont la formation n’est que partiellement expliquée par la science. On ne se refait pas, j’ai plutôt retenu l’explication mythologique dans laquelle un géant irlandais, Finn McCool, aurait construit cette route sur la mer entre l’Ecosse et l’Irlande pour permettre à son homologue écossais de venir se mesurer à lui. Dans cette histoire, on retrouve l’esprit irlandais, querelleur et matois, fier mais n’hésitant pas à recourir à la ruse pour triompher, ou au moins survivre. La Chaussée des Géants - Irlande du Nord Les gens sont heureux que nous venions en Irlande du Nord. Le terrorisme a occulté les merveilles naturelles que peut offrir le pays (au moins aussi belles que celles de l’Eire et moins fréquentées). Devant les risques actuels que recommencent certains troubles, notre hôte Bob soupire « It’s nonsense… but I can understand, I have been young myself ! ». Il est pourtant difficile de l’imaginer révolté ce Bob qui tient la Whitepark House, un charmant bed & breakfast où le kitsch tient lieu de folklore et rappelle douloureusement ce que les britanniques ont le front de nommer bon goût. Il est à ce jour le seul homme à avoir remporté le prestigieux prix annuel de la « Landlady of the year ». « I know, it’s pretty embarrassing », plaisante-t-il en nous servant un délicieux petit déjeuner. A discuter avec les autochtones, on se rend compte qu’ils ont ce sens de l’ironie pince sans-rire britannique, comme ce distillateur de whisky nous annonçant : « In Northern Ireland, there are only two seasons, winter and June ». Mais il y pointe un soupçon d’épuisement, comme si des années de combats, des Scots envahissant la Bretagne arthurienne jusqu’à la guerre civile en passant par la grande famine (« ever since, we can never have too much potatoes » rigole encore Bob), avaient marqué ce peuple de façon indélébile. Dunseverick Castle - Irlande du Nord L’hiver, comme on est très au Nord, le soleil ne monte jamais très haut dans le ciel et éclaire la campagne d’une lumière dorée et rasante magnifique. On longe les falaises, on écoute le vent, on explore trois pans de murs délabrés surplombant la mer d’Irlande démontée. Bien que la désignation « Dunseverick Castle » indiquée sur les panneaux touristiques semble légèrement pompeuse on imagine sans peine la forteresse celte qu’ils soutenaient. La mythologie n’est jamais loin et les noms d’Arthur, de Merlin, de Guenièvre, de Gauvain, de Graal et d’Avalon résonnent dans le fracas des flots et du vent. Seuls au monde face à la splendide force des éléments, scrutant l’horizon comme Elsa attend éperdue son Hollandais Volant, on vit cette Irlande du Nord perpétuellement crépusculaire comme une mélopée wagnérienne. Photos Irlande du Nord


Cuba : le paradoxe cubain

Récit d'un voyage dans l'intérieur des terres à Cuba : La Havane, Vinales, Cienfuegos, Trinidad, Remedios, etc. L'occasion de s'amuser du paradoxe cubain...

Il y a tant d’imaginaire, d’idéologie autour de Cuba que ça ne peut pas être un voyage anodin. Partis pour deux semaines, nous sommes rattrapés, sans le vouloir, par le paradoxe cubain : d’un côté île des Antilles populaire, infiniment touristique et donc au contact de la modernité, de l’autre pays du régime totalitaire castriste, opposant farouche de l’impérialisme américain et victime d’un blocus qui semble avoir stoppé l’évolution du pays dans les années 50. Partis de La Havane, nous visitons la région de Vinales, à l’Ouest de l’île, avant de repartir vers l’Est et découvrir Cienfuegos, Trinidad, Santa Clara, Remedios et enfin les Cayerias del Norte, plages sublimes pas encore trop polluées par le tourisme de masse façon Varadero mais qui en prennent dangereusement le chemin. La Havane - Cuba En route nous nous amusons des petits travers cubains : la bureaucratie galopante, les gens dans les villes dont la principale occupation semble être de s’asseoir sur le pas de sa porte et de regarder la rue toute la journée, les hôtels de “luxe“ avec des poules s’égayant sur les bords de leurs piscines verdâtres, les panneaux de propagande omniprésents qui récupèrent toutes choses au service de la sacro-sainte Révolution, les femmes à moustaches… Plus encore que les cigares et la musique, deux choses semblent sacrées à Cuba : le rhum et la sieste. On rigole bien, on se moque gentiment, mais lorsque l’on discute un peu sérieusement avec les gens qui nous accueillent chez eux le soir, l’on est frappé par la difficulté de la vie à Cuba. Comment ce peuple peut-il garder une telle joie de vivre alors qu’il vit depuis plus de 50 ans sous un régime en panne et totalitaire ? Les taxes sont écrasantes, les magasins sont vides… et pourtant les gens continuent d’excuser Fidel Castro, de voir en lui l’homme de la situation et de dénoncer la bureaucratie qui l’entoure et l’empêche de remettre le pays en ordre de marche. Des décennies de propagande et de glorification de la sacro-sainte révolution ont façonné un culte de la personnalité excluant tout esprit critique. Paradoxalement, c’est aussi ce qui fait le charme de Cuba, ce qui la rend fascinante et ce qui lui a donné cette existence diplomatique et artistique unique. C’est cette foi inébranlable dans sa révolution, sa culture, ses héros… Statue de Che Guevara à Santa Clara - Cuba Quand on se retrouve, pour une nuit et pour rire, à bâfrer des mets immondes dans un hôtel tout inclus de 925 chambres (celui de gauche en fait 870 et celui de droite 2350) et que l’on voit que le régime cubain, pourtant si prompt à dénoncer le modèle américain (quitte à maintenir son peuple dans la misère), en reproduit les codes les plus représentatifs, on hésite entre hurler de rire ou d’indignation. “L’histoire m’absoudra“ avait déclaré Fidel au lendemain de la Révolution. Ses déclarations de ces derniers jours (“le modèle cubain ne fonctionne même plus à Cuba“) ressemblent fort au mea culpa de celui qui n’est plus si sûr de son héritage à l’approche de la mort. Cuba ne laisse pas indifférent… Photos Cuba Itinéraire Cuba


Argentine : le Nord Ouest

Entre quebradas multicolores, déserts de sel et gastronomie, le Nord Ouest de l'Argentine se prête fort bien au road trip...

Vous avez dit road trip ? Qui dit road trip pense immédiatement aux grands espaces de l’Ouest américain, la route 66, les parcs naturels aux couleurs ocre sublimes, le soleil qui tape... Eh bien figurez-vous que l’on peut faire tout cela en Argentine. Au Nord Ouest du pays, aux environs de la ville de Salta, dans les contreforts des Andes et non loin des frontières chilienne et bolivienne, les paysages font irrésistiblement penser aux formations rocheuses légendaires de l’Arizona. Nord Ouest de l'Argentine : quebradas, gauchos et routes poussiéreuses C’est là que nous arrivons au lendemain de notre atterrissage en Argentine pour la première partie d’un voyage de trois semaines dans le pays du tango, du steak et des paysages ébouriffants. Les routes interminables et poussiéreuses s’étendent à l’infini et l’on n’y croise jamais personne d’autre qu’un gaucho (le cowboy local) tranquille. A chaque virage, on découvre l’un des innombrables canyons (les quebradas) qui donnent au paysage ce mélange unique de monotonie et d’originalité qui vous plonge dans un état d’hypnose émerveillée. Les Argentins ont même eu le bon goût de se doter d’une route mythique, la Ruta 40, qui traverse le pays du Sud (Patagonie) au Nord. La comparaison s’arrête là. Le route qui fait le tour du Cierro de 7 colores à Purmamarca - Argentine Très vite, on retrouve l’ambiance andine, la chaleur sèche du soleil tempérée par la fraîcheur du vent et de l’altitude. Dans les minuscules villages où nous faisons étape (Tilcara, Purmamarca, Cachi), les gens paressent sur la place principale en faisant semblant de vendre des articles d’artisanat qui n’intéressent personne, pas même eux. Ils vous toisent de leur indifférence bienveillante et vous invitent à profiter d’un bon repas à l’ombre d’un arbre : « Que lo aproveche ! ». Là, en attendant que passe l’heure chaude, on sent le temps s’écouler tout doucement, sans bruit, presque à l’arrêt et quand on respire profondément, on sent son être entier s’emplir d’une douce plénitude. Et puis on roule, on roule… On arpente des pistes perdues au milieu de rien pendant des heures, pas très vite pour ne pas risquer de crever un pneu et quand on en a marre, on se console en se disant que c’est cela, courir le monde. Des bourgades fantômes évoquant la révolution, la dictature et la poésie On fait attention aux petits détails quand on traverse des bourgades quasiment fantômes et on s’aperçoit que les rues ont partout les mêmes noms ; des noms qui fleurent bon la révolution, la dictature ou la poésie, toutes trois incontournables en Amérique du Sud… Un petit conseil aux voyageurs qui voudraient épater une conquête potentielle : quand vous entrez dans un village de la région, que vous êtes sur la route principale, dites « Tiens, je parie qu’on est sur la calle Belgrano ! ». Vous avez neuf chances sur dix d’avoir raison et de provoquer un rire admiratif. En se rapprochant de la frontière bolivienne, on quitte l’univers des canyons pour retrouver celui de l’altiplano, cette grande plaine à 3000 mètres d’altitude, ensoleillée et aride. Au milieu de la rare végétation, comme un mirage entouré par les lointains pics andins, on tombe sur un désert de sel (Salinas Grandes), lunaire et féérique, d’un blanc aveuglant qui fausse les perspectives et trouble la vision. Le désert andin aux abords des Salinas Grandes - Argentine De temps à autres, on croise d’improbables autostoppeurs. Une femme quechua revient d’une réunion d’artisans à 4 jours de marche de chez elle. La rapprocher de 30 km lui fait économiser presque une journée. Quand nous discutons avec elle, nous nous rendons compte que nos mondes sont trop différents pour se comprendre complètement. Au moment de se quitter, elle essaie de nous vendre une veste de sa confection mais encore une fois sans grande conviction, pour le principe. Pas un instant elle ne semble penser que nous pourrions accepter. Plus tard un guide local nous demandera de l’emmener dans la ville la plus proche. L’une des roues de sa voiture ayant décidé de vivre sa propre vie, il a vite constaté qu’il était difficile de rouler sur trois roues. On ressent une fierté un peu puérile à dépanner ce représentant du pays que l’on visite, cet archétype de baroudeur en détresse… Gastronomie et paysages... Le soir, on se laisse aller à des excès de bife de lomo (filet de boeuf) et de vino Malbec (rouge) ou Torrontes (blanc), toujours à contretemps. Quand nous dînons, les Argentins en sont à peine à l’apéro. Peu importe, comme ça, on est tranquilles. Et puis on va s’allonger sur une improbable piste d’atterrissage perchée sur les hauteurs d’un minuscule village pour y contempler l’immensité des étoiles. Trois cent touristes ont juré y avoir vu une soucoupe volante il y a quelques années… pourquoi pas. Au moment de se coucher, heureux et repus, on n’a pas d’autre souci que de fantasmer sur les noms exotiques et prometteurs qui égayeront notre route le lendemain : Garganta del Diablo, Anfiteatro, Quebrada de Humahuaca, Las Flechas, Cerro de Siete Colores, Paleta del Pintor… Après 5 jours et 1200 kilomètres nous rentrons à Salta, la fin de la première étape du voyage. Photos Argentine Itinéraire Argentine & Chili Récit Patagonie


Patagonie : au bout du monde…

Patagonie, le nom lui-même fait fantasmer et la nature sublime de ce bout du monde, entre lacs et glaciers, est inoubliable. L'un des plus beaux endroits sur Terre.

Vous avez dit bout du monde ? Une journée de voyage nous emmène à l’autre bout de l’Argentine (de Salta à Buenos Aires puis de Buenos Aires à El Calafate), presque à la pointe de l’Amérique du Sud, en Patagonie. Le nom lui-même fait fantasmer. Dernier rempart de (vague) civilisation dans cette lande désolée du bout du monde, El Calafate a le charme absurde des comptoirs anciens : échoppes en tous genres, stations services et même un casino pour qui voudrait perdre ses derniers dollars avant d’aller affronter la mort au Cap Horn. Ici déjà, on sent que la puissance de la nature n’a pas vraiment d’opposition crédible quand l’avion flotte au gré des bourrasques avant d’atterrir. El Calafate et Lago Argentino : icebergs et glaciers Et puis on part, en bateau d’abord, explorer le Lago Argentino et ses canaux où flottent des icebergs bleu fluorescents, morceaux de glacier qui se détachent régulièrement dans un bruit de craquement déchirant. Au milieu d’un paysage rendu gris par le mauvais temps, ces icebergs renvoient une lumière irréelle, une tâche de couleur impossible… Sur le bateau traine-couillons qui nous emmène, les photos ratées pleuvent. Chacun tend devant lui, au dessus de la masse, son petit appareil photo, met un coup de flash pour bien éclairer les cheveux de son voisin au premier plan et rentre se mettre à l’abri d’un air réjoui. Y a-t-il un paradis pour toutes ces photos inutiles, qui finiront oubliées dans quelque équivalent numérique de la « vieille caisse dans la cave »… ou supprimées, tout simplement ? Ces gens oublient de regarder. Le visage fouetté par la pluie, le vent et les embruns, on se sent vivre. Dans l’hostilité de cette nature exceptionnelle, on a la certitude exaltante d’être parfaitement contingent. Iceberg sur le Lago Argentino - El Calafate (Argentine) Puis nous rallions les Torres del Paine, et pour cela il faut traverser une frontière absurde que le Chili et l’Argentine se disputent depuis des siècles. Quatre jours durant, nous arpentons les sentiers de l’un des parcs naturels les moins domestiqués au monde. Le vent patagon attise les fantasmes, et les guides nous encouragent à grimper sur les crêtes pour le sentir souffler. A découvert, on peut presque s’allonger contre le vent venant du champ de glace du Sud (Southern Ice Field) qui alimente le glacier Grey et la plupart des lacs du parc… Quand on le prend en plein visage, on a plutôt l’impression qu’il arrive directement de l’Antarctique. Torres del Paine : la plénitude de la nature à l'état brut Le sentiment de plénitude que l’on ressent ici est difficilement descriptible. La nature y est inviolée et nul ne cherche à l’asservir. On a même parfois l’impression que les autorités du parc prennent un malin plaisir à laisser trépasser régulièrement quelques touristes pour entretenir le mythe. C’est bien. Seul face à la puissance de la nature, fascinante et dangereuse, on est pris du plaisir infini de constater qu’il reste des endroits sur cette terre où l’homme ne cherche pas à se rendre « maître et possesseur de la nature » (pour reprendre cette phrase consternante de l’ami Descartes)… Le massif des Torres del Paine au lever du soleil - Chili Les gens qui passent du temps dans cette partie de la Patagonie prennent un malin plaisir à vous dire que les quatre saisons s’y succèdent dans la même journée. C’est une sorte d’échappatoire pour les hôteliers qui craignent les doléances liées à une mauvaise météo. Chacun anone cette vérité discutable comme un sacerdoce. Nous avons eu, nous, la chance d’avoir principalement du printemps. Les lumières du soleil levant, la couleur des lacs (différente selon que l’eau vient de la pluie ou de la fonte des glaciers), la végétation rare et le ciel toujours changeants sont d’une splendeur indicible. A moitié pour fanfaronner, à moitié pour éprouver notre capacité de résistance, on se jette quelques secondes dans l’eau gelée du lac Pehoé, à 6°C. Presque tétanisé par le froid, bercé par le sifflement du vent entre les montagnes, j’expérimente la rare jouissance de sentir la vie couler dans mes veines… enfin après avoir dûment hurlé pour supporter la morsure du froid. San Carlos de Bariloche et la Route des 7 Lacs Parc National Los Arrayanes - Province de Neuquen (Argentine) Après avoir quitté cet endroit du bout de la terre, il est difficile de conserver son enthousiasme. Il faut plusieurs jours pour revenir à une réalité plus conventionnelle. La région des lacs, limite Nord de la Patagonie, fera donc pour nous office de convalescence. La météo, peu clémente, incitant à la paresse, nous profitons des quelques éclaircies pour envisager la beauté de la région. Ces lacs si semblables sous les nuages, prennent subitement des couleurs, des textures incroyablement diverses. Une randonnée au milieu d’arbres étonnants (les arrayanes), une après-midi à lire un roman érotique sur les rives du lac Nahuel Huapi et quelques derniers kilomètres sur une piste vraiment pas entretenue achèvent ce merveilleux voyage… et l’on ressent, déjà, l'étreinte de la nostalgie. Photos Patagonie Itinéraire Argentine & Chili Récit Nord Ouest Argentine


Costa Rica : entre forêts et volcans

Le tour des 4 volcans actifs du Costa Rica, une plongée dans la nature sauvage de ce petit pays d'Amérique Centrale.

Je suis parti au Costa Rica afin de faire le tour de quatre des cinq volcans actifs du Costa Rica : le Poas, l'Arenal, le Turrialba et l'Irrazu (le Rincon de la Vieja, plus au nord était difficilement atteignable en seulement huit jours). On se dit très vite que c’est quand même sympa de retrouver ces bons vieux pays d'Amérique Centrale sans aucune caractéristique culturelle notable. Il faut savoir que la nourriture du Costa Rica est aussi mauvaise que sa capitale ridicule (San José… vous vous attendiez à quoi ?). Je vous le donne Emile, la spécialité culinaire du coin, c’est une escalope de poulet avec de la salade, du riz et des haricots rouges. … Hé mais ce serait pas aussi la spécialité du Mexique ? et du Pérou ? et de la Bolivie ? et du Guatemala ? et du Honduras ? Ben si. Ils sont vraiment impayables ces mecs, ils font tous la même chose et ils nous font croire que c’est de chez eux… Ils donnent un nom en –ados ou –ilas (genre pollodados ou enchilamilas, chacun a le sien) pour nous faire croire que c’est différent. Mais c’est pareil. Rendez-vous compte qu’ils n’ont même pas une espèce d’alcool local imbuvable à nous servir à l’apéro. Invraisemblable. Et je ne vous parle pas des sushis que nous nous sommes infligés le premier soir (des sushis à San José, vraiment ?). Forêt - Costa Rica Heureusement, y’a les volcans. Le but du voyage, me direz-vous… Eh ben, croyez-le ou non mais rien ne ressemble autant à un volcan dans la brume qu’un autre volcan dans la brume. Tiens, là c’est le Poas derrière ce nuage. Et derrière cet autre nuage, c’est l’Arenal. La guide nous propose une petite séance Youtube pour nous montrer comment c’est quand on voit. On apprécie le geste mais bon, on s’est pas farci 15h de voyage pour regarder Nicolas Hulot. J’exagère. La nature est sublime et c’est même plutôt marrant de se cogner des torrents de pluie, de la brume, quelques coulées de lave timides au milieu de ces forêts incroyablement luxuriantes. On se croirait entre la Skull Island de "King Kong" et la jungle amazonienne de "A la Poursuite du Diamant Vert". Et puis comme ça, on est trois fois plus contents quand on a du soleil… Photos Costa Rica Itinéraire Costa Rica


Swaziland : le passage de la frontière à Bulembu

Comment j'ai failli passer la nuit dans le no man's land entre l'Afrique du Sud et le Swaziland à cause d'un pneu crevé et d'un douanier pas très flexible...

Pour rallier le Swaziland depuis les environs du Parc Kruger, une longue journée de transition nous attend. Après une première partie de trajet longue mais sans histoire, nous faisons une courte étape à Barberton, ancienne cité minière mignonette. C’est pour moi l’occasion de me faire alpaguer par une sud-africaine ivre et réjouie à la sortie du pub local qui tente de me persuader de l’emmener voir la Tour Eiffel. Il est 15h… La route entre Barberton et Bulembu Le Swaziland étant un état enclavé indépendant, il faut y entrer par l’un des postes frontière répartis tout autour du pays. Comme nous arrivons du nord, le plus simple (et le plus beau) est d’entrer par Bulembu, seulement, la frontière ferme à 16h. Il nous reste donc 40 km à couvrir en une heure. Ca devrait être jouable. Paysage sur la route entre Barberton et Bulembu - Afrique du Sud C’était sans compter sur l’entreprise générale de rénovation des routes à laquelle semble s’adonner tout le nord du pays. Du coup, les 25 derniers kilomètres sont de la piste couverte de gravats, parfois même en circulation alternée… nous avançons très lentement et commençons à nous inquiéter de ne pas arriver à temps à la douane. Un quart d’heure avant la fermeture, il ne nous reste que 3 km. On respire, ça va être bon. La route étant plutôt en meilleur état, j'en profite pour accélérer. Mais derrière un virage un peu serré et sans visibilité, la route se transforme en champ de cailloux. Nous arrivons beaucoup trop vite et l’un des pneus explose littéralement. Impossible d’aller plus loin. Le temps de commencer à nous lamenter, 5 ouvriers se jettent spontanément sur la voiture et nous changent le pneu en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. On se croirait à un pit stop de F1. Dix minutes après, nous pouvons repartir. En gage de reconnaissance, nous offrons à nos sauveurs une tablette de chocolat qui les met dans un état d’enthousiasme étonnant. Nous couvrons les 3 km restant le plus vite possible et il est finalement 16h01 quand nous atteignons le côté sud-africain de la frontière. Ils nous laissent passer en nous enjoignant de nous dépêcher. Trois minutes plus tard, nous arrivons du côté swazi de la frontière… fermé ! La barrière est baissée, la grille est close, cadenassée. Tout ça pour ça. Barrière fermée au poste frontière de Bulembu, au Swaziland L'enfer, c'est le fonctionnaire des douanes ! Refusant de nous recogner cent bornes de piste sans nous être un peu battus, je vais négocier avec le vieil employé des douanes, irascible et très imbu de sa fonction. Fonctionnaire africain à lunettes plus vrai que nature, il oppose à nos supplications son sens de la droiture, et la masse de travail qu’il doit accomplir avant le lendemain (il agite avec gravité les sept malheureuses factures de 50 rands qu’il doit traiter pour la journée). A chaque nouvel argument déployé, il secoue la tête et scande « not my problem, not my problem ». Nous réprimons notre désir soudain de l’occire en l’étouffant avec son livre de comptes et lui proposons en dernier recours de payer un « late fee ». Après avoir semblé un temps curieux de la somme que nous sommes prêts à lui offrir, il s’énerve et nous explique qu’il est incorruptible. Devant cet échec cuisant, nous pensons que c’est fini, que nous allons passer la nuit dans le no man’s land entre le Swaziland et l’Afrique du Sud… Finalement, mon amie tente sa chance avec Bob le douanier. En vingt secondes, elle obtient l’ouverture de la barrière sans condition… Ce qui s’est passé au cours de ces vingt secondes, personne ne le saura. Nous rentrons donc au Swaziland après vingt-cinq minutes de pourparlers, non sans une dernière remarque de notre ami sur le retard qu’il a pris sur le traitement de ses factures. Bon vent, mon vieux ! Une piste pénible mais un paysage magnifique Croyez-vous qu’on serait au bout de nos peines ? Que nenni, les 18 derniers km au Swaziland (entre Bulembu et Piggs Peak) sont pires encore… De la piste sur laquelle on ne peut dépasser le 25 km/h. Avec la fatigue qui commence à s’accumuler, ça devient vraiment dur. Heureusement, le paysage, au crépuscule, est saisissant. Terre ocre qui déteint sur les premiers mètres des forêts d’eucalyptus par ailleurs d’un vert éclatant, ciel opalescent et lumière rasante : les couleurs explosent et la route qui serpente dans les montagnes est sublime. Forêt d'eucalyptus sur la piste qui relie Bulembu à Piggs Peak - Swaziland Finalement, entre Barberton et Piggs Peak, nous aurons mis trois heures à faire 60 km !! Enfin, après nous être perdus dans la nuit à Mbabane, nous trouvons une gentille autochtone pour nous escorter jusqu’à la route de l’Ematjeni Guest House et nous arrivons éreintés dans une superbe maison perchée sur les hauteurs de la ville. Photos Afrique du Sud Itinéraire Afrique du Sud


Le Sud Lipez en Bolivie : lagunes, altiplano et turista

Au milieu d'un voyage de 3 semaines en Bolivie, 5 jours dans le Sud Lipez, une région reculée aux paysages défiant l'imagination.

Après avoir atterri à La Paz, nous filons vers la douce et coloniale Sucre avant de poser nos bagages dans la plus haute ville d’importance du monde, Potosi (4060 mètres), pour y affronter les terribles mines d’argent qui ont fait sa réputation. Nous continuons à descendre vers le Sud et passons quelques jours à Tupiza, ville western qui fut le siège des derniers exploits de Butch Cassidy et le Kid, les deux gentlemen bandits immortalisés par Robert Redford et Paul Newman et dont l’une des répliques cultes jalonne notre voyage : "Kid, next time I say let’s go to Bolivia, let’s go to Bolivia!" ("Kid, la prochaine fois que je dis allons en Bolivie, allons en Bolivie !"). C’est de là que nous attaquons le circuit du Sud-Ouest (Sud Lipez). Pour éviter les hordes de touristes venues aussi bien de Bolivie que du Chili, nous prenons une formule un peu inhabituelle : départ Tupiza et arrivée à Uyuni, le tout en cinq jours intenses et tranquilles (là où la plupart des gens se dépêchent de faire le tour en trois jours). L'eau rouge sang de la Laguna Colorada, dans la région du Sud Lipez en Bolivie Cinq jours, donc, à parcourir l’altiplano en jeep, à découvrir formations naturelles ahurissantes et lagunes multicolores, à marcher aux confins de la réalité et à braver une nature sauvage mais splendide. Le vent, la sécheresse, le froid, les pistes défoncées, les nuits de turista dans les « hospedajes muy muy basicos »… tout cela contribue à rendre plus grandioses encore les paysages que nous traversons. Le voyage devient une véritable expérience sensorielle au cours de ces cinq jours hors du temps et de la civilisation. Puis nous finissons le voyage tranquillement installés sur les bords du Lac Titicaca, passant le temps dans l'atmosphère presque méditerranéenne de Copacabana et de l'Isla del Sol. Photos Bolivie Itinéraire Bolivie


Jeremie Noel | Photographies et impressions de voyage
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